Creuser une fontaine, recueillir l’eau de la source
Pour moi, il y a deux axes qui m’intéressent dans ce projet: travailler la matière première, brute, du début à la fin (réfléchir à la notion du créateur, de l’artiste), et créer un objet qui recueille l’eau, symbole de vie et de vitalité.
C’est en effet une grande chance d’avoir les outils, l’espace, le temps et la matière première pour pouvoir, aujourd’hui, creuser une fontaine en bois. On commence avec des outils très grossiers, des mesures approximatives, du matériel lourd, et on finit à genoux, plié en deux dans la fontaine, pour donner de fins coups de ciseaux à bois ou de râpes afin d’ajuster le bouchon…
Creuser, créer, recueillir, retenir, ces verbes m’ont accompagnés durant ces semaines. L’eau est une matière qui ne se laisse pas facilement retenir, elle fuit de partout, elle s’écoule, elle s’évapore et elle gèle. Je l’ai bien compris lorsque je me suis aperçu que j’avais percé mon bassin. Moment de découragement, moment où il faut trouver une solution pour que le projet ne tombe pas l’eau !
Les récits bibliques de la Création sont ainsi faits, de mon point de vue, et en particulier le premier récit de la Création (la Bible, Genèse 1, 1 à 2, 4a): d’une matière d’abord grossière (le tohu-bohu), au premier jour, on en arrive à la finesse de la création de la nature, des animaux et de l’humanité… C’est le cheminement logique du créateur, de tout créateur: passer d’une matière brute à une matière travaillée, ciselée.
C’est à ces conditions que je vais pouvoir recueillir l’eau, source de vie. En montagne, comme en plaine, l’eau est un élément essentiel de la vie. Elle peut parfois aussi être très destructrice, en cas d’orage, ou lorsqu’elle provoque des glissements de terrain et des inondations. Le bois a cette qualité reconnue pour contenir l’eau en montagne, c’est qu’il garde sa souplesse contrairement à la pierre, et ainsi il peut continuer à être utilisé même en hiver, lorsque la glace remplit la fontaine. A 1000 mètres, versant nord, plus d’une fois nous avons vu la fontaine couverte de glace. La spécificité de notre chalet, c’est également qu’il n’y a pas d’eau en hiver à l’intérieur, justement pour des questions de gel. La fontaine devient alors le seul endroit où nous trouvons de l’eau liquide (l’eau en mouvement ne gèle pas). Cette fontaine n’est donc pas uniquement décorative, elle a une fonction essentiel pour nous.
Théologiquement, l’eau se trouve partout dans la Bible, et elle véhicule l’image de la vie et de la mort. Le puits est souvent lieu de rencontre, de conclusion de contrats, ou de conversion. C’est là d’ailleurs que Jésus rencontre une femme samaritaine à qui il dit: « Celui qui boit l’eau que je lui donnerai, il n’aura plus jamais soif. Au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source, et cette source donne la vie avec Dieu pour toujours. » (La Bible, Évangile de Jean, 4, 14). Dieu donne cette source que l’on trouve en nous, et il l’alimente.
Puiser à sa source intérieure. A cette source intérieure que Jésus alimente en nous. Voilà toute la richesse de la foi chrétienne: reconnaître en soi une source d’eau vive, fraiche et intarissable, qui nous vient de Dieu. Avec les enfants, dans mon ministère, nous disons volontiers que chacun a déjà en soi une étincelle de Dieu, et que c’est à chacun de la découvrir. Je pourrai désormais aussi parler de source d’eau vive, et l’illustrer…
Car nous avons tous besoin d’une source en nous, à laquelle nous pouvons aller puiser.
Et toi, quelle est ta source ? Où puises-tu ta force et ton énergie?
A lire: Anselm Grün, Par monts et par vaux, p. 73-76 (voir Lire et écouter).
Etj/7juin18
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